François Reamy sculpteur, Marianna Gawrysiak galeriste et André Sugnaux peintre
Une année jubilaire
pour le Vide-Poches
André Sugnaux
internationalement reconnu pour son travail de mémoire des goulags est l’invité
du Vide-Poches à Marsens. Il y présente ses œuvres aux côtés des sculptures de son ami de
longue date, François Reamy.
André Sugnaux dévoile
cinquante tableaux réalisés durant les trois dernières années. Tous sont
empreints de son incessant travail sur l’histoire des goulags. Même les
paysages du Jura ou de la Glâne sont marbrés des scènes et de l’émotion des
plaines de Russie. Comme si le peintre n’avait de cesse d’y graver l’hommage à
ces prisonniers du froid et de l’histoire. Ses tempéras ne renvoient à aucun
mouvement artistique, c’est une peinture émotionnelle pétrie d’années d’écoutes
et de perception de la souffrance. Si elle peut aisément se lire sans
décryptage, elle y recèle de symboles propres à la démarche de l’artiste.
Symbolisme
La trace tout d’abord.
Celle qui se définit sur le bas de toutes ses œuvres, représente le chemin de
vie de ces milliers de détenus. Des traits verticaux dessinent les poteaux
électriques, seuls éléments qui faisaient lever la tête des prisonniers. À
l’horizontale, les fils électriques, ce trait noir signe d’espoir, incarne
l’unique lien à la civilisation libre. Il y a aussi ces bandes de couleurs
horizontales, symboles de la fumée du transsibérien (toile intitulée
« Hommage à Blaise Cendrars ») ou ailleurs, souvenirs des habits
rayés des zeks. « L’arc-en-ciel est aussi la marque du temporel vers
l’intemporel » explique André Sugnaux. Le spectateur peut y découvrir
d’autres allégories, ou simplement ressentir la puissance qui se dégage des
huiles. Comme si le passé se liait au présent.
Si le peintre présente
fréquemment la condition de l’homme par le paysage, il en est autrement pour
la série sur l’ethnie des yakuts.
On y découvre des portraits de femmes et d’enfants baignés des lumières
violacées, qui ont les faveurs du peintre. Une approche différente qui reste un
témoignage tout comme les objets et récits oraux qu’il ne cesse de récolter
avec l’aide de l’Union des artistes russes.
Clowns et humour
Dans un ton plus léger,
le sculpteur François Reamy présente vingt-deux sculptures que l’on croirait en
bronze. C’est en réalité une technique de recouvrement du métal par un mélange
de plâtre et de résine sur calicot. Une couche de peinture verdâtre donne
l’illusion du vert-de-gris. Ses bonshommes disproportionnés, clown, danseur ou
promeneur, font penser à des adolescents empruntés. Avec leurs bras trop longs,
ils se cherchent une contenance que le sculpteur leur concède parfois, en leur
offrant un livre. Aucun visage pour ces personnages, les chapeaux habilement
positionnés donnent l’expression voulue, les rendant attendrissants. Une
citation associée à chacun attestent le côté malicieux de l’artiste qui ne
manquera pas de faire sourire le visiteur. MR
Ouvert me-je-sa-di
13h à 17h, artistes présents les week-ends. Dimanche 8 février et 1er
mars, André Sugnaux racontera la Russie.
Les 15 ans du
Vide-Poches
Quinze ans, ce sont 71
expositions et presque 150 artistes exposés. Marianna
Gawrysiak, à la tête de la galerie dès le début, donne la
préférence aux artistes fribourgeois en alternant autant que possible, artistes
confirmés et débutants. La galerie sise dans l’enceinte de l’hôpital
psychiatrique laisse aussi entrer l’art brut. La galeriste cherche à tout prix
à rendre les expositions tout public. « Nous accueillons autant les
visiteurs de l’extérieur que les patients avec leur famille et mes collègues de
l’hôpital. » souligne Marianna
Gawrysiak. Les accrochages deviennent un lieu de rencontres en
humanisant l’environnement psychiatrique. Pour cette année jubilaire, le
Vide-Poches accueille des artistes reconnus comme Alphonse Layaz, Gisèle Rime,
Noël Aeby ou Guerino Paltenghi.
Publié dans le Journal "La Gruyère" février 2015