jeudi 18 juillet 2013

La dimension temporelle malmenée par la photographie

Les procédés digitaux et les médias sociaux ont bouleversé notre perception du temps. L'instant de la prise de vue se superpose quasiment à l'instant de présentation de l'image. On déclenche et on balance sur le net à la vue de tous, d'un glissement de pouce. Des internautes consentants sont alors ensevelis sous une masse d'images et ne savent plus ce qu'ils ingurgitent. Un fatras de clichés, bardés de filtre instagram, des images en veux-tu en voilà, un flux continu qui ne cesse de grossir et dont le débit impressionnant augmente à mesure que la technique le lui permet.
On jette ses images en pâture, comme on lancerait de la pâté à des loups affamés, en espérant qu'ils soient rassasiés pour un moment.

Mais les loups (dont je fais partie) n'en n'ont jamais assez et nous nous épuisons à reproduire nos instants, gavant inlassablement les dévoreurs d'images.
Ainsi, le flux s'écoule ne débordant jamais et les photos s'en vont, on ne sait où. Certainement pas dans notre mémoire, qui elle, sature (je parle pour moi).

Si beaucoup d'informations ne construisent pas une culture, beaucoup de photographies ne créent pas forcément une mémoire.

Et c'est là que nous ne savons plus vraiment ce qu'est un souvenir. Avec de la chance certaines photos sont imprimées sur papier glacé, un album sans valeur émotive que l'on crée aussi vite que le web le permet. Pour les autres, elles seront oubliées au fond d'un serveur du Texas. A force de reproduire nos instants, ils deviennent trop nombreux, ne peuvent se figer et sont finalement emportés par la masses des autres.Au final il ne reste rien, et nous avons perdu notre temps. Nous n'avons pas vécu l'instant présent, trop occuper à le photographier et à le rendre visible pour d'autres, et nous n'en gardons même pas une trace, histoire de se rappeler ce que nous avons "mal" (peu intensément) vécu.

Je vous le dis, paf! De but en blanc! Nous avons grand besoin d'inertie! Ainsi nous pourrons réintégrer l'instant d'oubli avant la souvenance.

Ou bien?