lundi 26 septembre 2016

De la Glâne à la Russie, 50 ans de dessin


André Sugnaux à la galerie La Distillerie Switzerland, Bulle

La Distillerie Switzerland de Bulle présente une rétrospective des 50 ans de travail du peintre André Sugnaux. En soixante-sept œuvres, l’accrochage déroule une grande partie de l’histoire de cet artiste international.

« Il y a une différence entre dessiner ou s’exprimer par le dessin », explique André Sugnaux. Pour l’artiste c’est l’expression de son ressenti et les réminiscences de ses rencontres qui doivent absolument trouver leur place hors de son être. C’est sur la toile ou le bois qu’elles ressurgissent et fixent l’émotion. La Distillerie Switzerland à Bulle égrène le long de ses murs les œuvres de cinquante ans d’atelier. Une rétrospective qui ne dévoile évidemment pas l’intégralité des tableaux, mais qui retrace un parcours d’artiste authentique et sincère.
À l’image de son père, un maçon qui dessinait sur les sacs de ciment durant la pause, André Sugnaux cherchait du temps pour la création. À l’école ou pendant son apprentissage, il ne cesse jamais de peintre. La nuit, le dimanche ou lorsque le besoin est trop fort pour ne pas y succomber, il prend son pinceau. Jeune adulte installé à Zurich où il travaille comme électricien, il profite des infrastructures culturelles de la ville, visitant seize fois l’exposition de Oskar Kokoschka au Kunsthaus. Il semble clairement de plus en plus attiré par l’art. En 1966 la galerie Bollag de Zurich présente sa première exposition, le début d’une longue carrière qui l’emmènera aux confins de la Taïga.

Après un passage de deux ans en Basse-Ville de Fribourg où il se lie d’amitié avec les artistes du coin (Michel Ritter, Bruno Baeriswyl ou encore Pierre Spori) c’est à Paris, comme souvent à cette époque, que tout débute. Reçu à l’École nationale des beaux-arts, il y poursuit une éducation académique, s’intéressant notamment à l’art du vitrail. Durant cette période et jusqu’à la fin des années huitante, il se rend régulièrement en Égypte où il réalise, sous l’égide de Sœur Emmanuelle, une fresque de 1200m2.
L’art de L’Icône
Ses études terminées et à la demande de ses professeurs, il explore l’avant-gardisme de l’est. Dès lors il ne cesse de côtoyer des artistes russes, scellant sans le savoir son destin de peintre. En 1988 il se rend en Russie à l’Atelier Kolibaba où il étudie l’Icône russe, pratique alors interdite. Cet art très codifié marque un jalon très important pour l’ensemble de son travail. Il y reprend une partie des procédés techniques pour les ajuster à ses propres besoins artistiques. Très attachée aux symboles tout comme l’art de l’Icône, son œuvre regorge de clés qui entremêlent lieux et vécus. Admis à l’union des artistes russes, il profite de son statut d’étranger pour s’intéresser aux goulags. Voyageant à travers la Russie, il recueille des témoignages qu’il échange parfois contre un dessin à l’encre de chine. Quelques-uns de ses « spontanés » comme il les appelle sont visibles à l’intérieur des cuves de la galerie bulloise. Ce sont pour la plupart des portraits de Yakoutes, une ethnie de Sibérie.
Symboles
Les corneilles qui volent sur ses temperas sont un respectueux clin d’œil envers Evguénia Sémionovna Guinzbourg. Elle avait elle-même utilisé cet oiseau sur chacune de ses couvertures de livres, témoignages de sa vie dans les camps de travail forcé.
Les poteaux électriques (symbole positif pour les prisonniers) et l’arc-en-ciel (connexion entre le matériel et l’intemporel) sont omniprésents. Ils sont aussi ici, sur les panoramas glânois ou gruériens, car André Sugnaux porte en lui ce qu’il a vu et entendu. Par son travail, il relie l’espace et le temps sur un même tableau.
Loin de dramatiser ses vies de souffrances et ses millions de morts, André Sugnaux choisit de mettre de la lumière au bout de son pinceau. « Je crois qu’ils sont maintenant tous en paix, c’est cela que je montre ». Et l’arc-en-ciel devient nimbe.

Vernissage vendredi 23 septembre dès 18h. Exposition du 23 septembre au 16 octobre, jeudi-dimanche, 14h-18h.