Le rose grinçant de
Catherine Liechti
L’idée d’un envol
Catherine Liechti expose des installations et des
peintures aux tonalités troublantes. Elle s’amuse avec les reflets de la
matière et les références à d’autres artistes. Des oeuvres à la fois éthérées
et inquiétantes, à découvrir à la galerie Osmoz à Bulle.
Dédié à « L’insoutenable légèreté de l’être » de
Milan Kundera, l’exposition de la peintre Catherine Liechti oscille entre air
et eau, douceur et inquiétude, envol et pesanteur. Julien Victor Scheuchzer
présente ce travail créatif dans les murs de sa galerie Osmoz à voir dès à
présent.
L’installation principale « Volière et virose »
confronte la liberté à la pesanteur. Des oiseaux, de la poussière et des
étoiles, tous troublés par un rose sali traduisent une confidence de
l’artiste : « J’ai parfois l’impression que la légèreté ou la
superficialité est lourde à porter, qu’elle nous plombe».
Perchée dans le nid d’aigle qui lui sert d’atelier, elle
s’est astreinte à un travail quotidien, celui de peindre les oiseaux qu’elle
voyait par la fenêtre. Loin d’une représentation classique de peinture
animalière, il s’agit ici de traduire l’idée du vol en se laissant guider par
l’émotion du moment.
L’installation permet aux volatiles de se refléter sur un
tapis rosacé de peintures sur acétate. Leurs reflets emprisonnés au sol donnent
un contrepoint à leur liberté supposée. Les peintures sur acétate, élaborées à
partir de photographies de poussière ou de galaxie, au résultat visuel
identique (clin d’œil à la photographie « Elevage de poussière » de
Man Ray) brouillent les pistes des échelles spatiales. « Je crois que l’on
ne sait jamais vraiment où l’on est et les oiseaux n’ont peut-être pas non plus
conscience de l’espace dans lequel ils volent ».
Une deuxième oeuvre pousse plus loin le jeu des reflets. Une
pie naturalisée montre sa culotte
tandis qu’elle scrute le spectateur d’un œil. Elle est installée sur une
peinture sur verre dont une parois remonte devant son bec et devient miroir. Un
jeu de réflexion s’installe, et
l’animal est visible sous toutes ces coutures. On se surprend à chercher
un peu de vie dans ses reflets. « J’avais envie que l’image devienne
dynamique, qu’elle se renforce par la présence de celui qui regarde »
explique-t-elle.
Poursuivant dans les mêmes tons rose, lilas et améthyste, l’artiste propose une série de peintures grand
format à l’huile. Elle y représente des paysages plus ou moins abstraits dans
une ambiance d’aube ou de crépuscule. Quelques arbres dessinent un horizon, le
tout émergent du brouillard vaporeux d’un lac que l’on croit connaître.
Catherine Liechti a travaillé sur cet instant d’incertitude où l’on ne sait si
la lumière va percer les nuages ou non.
D’autres séries sont encore à découvrir. Elles parlent elles
aussi de l’insaisissable, tandis qu’une réinterprétation du lac des cygnes,
plus ludique se laisse manipuler.
Toujours prise entre deux pôles dont l’attraction semble
inévitable, ses œuvres sont à chaque fois construites autour d’une forte
dualité. Suivant un processus par tâtonnement, Catherine Liechti est une
investigatrice. Si parfois elle
cherche à en dire beaucoup, peut-être trop, ses œuvres touchent par la
sincérité de son travail introspectif. MR
Galerie Osmoz, Bulle, du 23 mars au 23 avril, Ouverture
les jeudis, samedis et dimanches de 14h à 18h et sur rendez-vous.